Rencontre avec une agente polyvalente douches en intérim à l’Accueil de Jour de Magdala à Lille.
Je suis Sophie*, j’ai 52 ans, je suis à Lille depuis toujours. Quand j’étais gamine, je faisais les chicons. Après, j’ai bossé chez mon parrain dès 16 ans : il était patron de « Pocheco », une usine d’enveloppes et cartons.
Ensuite, j’ai rencontré le père de mes enfants, je mettais les enfants chez la voisine et j’allais bosser. Puis je me suis retrouvée en foyer. Là je ne travaillais plus au début, mais ensuite j’ai pu bosser dans l’atelier : couture, emballage, nappes, découpe de tapis de douches.
La dégringolade
Puis, j’ai eu de nouveau un appartement. J’ai eu quelques soucis : là, c’est la dégringolade, le moral… Tout. J’ai fait un peu des conneries … J’ai pu retourner un peu chez « Pocheco ». J’aimais bien ce boulot, mais l’usine a brûlé. Avant, on pouvait fumer, tous, là-dedans. Je me souviens, il y avait des prisonniers qui venaient bosser avec nous, et le soir la police venait les rechercher. Par la suite, j’ai arrêté de travailler, ça n’allait de nouveau pas bien, mais j’ai rencontré Philippe. Maintenant, ça fait plus de 20 ans qu’on est ensemble.
Quelques années après, j’ai travaillé en nettoyage de bureau : j’étais tranquille, j’aimais bien. Après, en 2019, ça n’allait pas, mais je connaissais Françoise aux Restos du Coeur, elle m’a parlé de Magdala. J’ai participé à Tous en projet, j’ai fait la cuisine, j’aimais bien. En novembre, notre appartement a brûlé, on s’est retrouvé sans rien avec Philippe. Relogés chez un voisin, on y est toujours. Fatima continuait de m’accompagner.
Le contact humain
Depuis quelques semaines maintenant (juin 2021 ndlr), je travaille aux douches**, j’aime bien. J’arrive, je m’habille, je regarde qui est inscrit, je permets aux gens à la rue de se laver. La semaine dernière, je suis tombée malade. J’étais déçue de ne pas travailler car dans mon travail, j’aime le contact humain, discuter, prendre soin des gens.
Le fait de travailler, ça me sort du quartier. Ça fait du bien, je ne tiens plus là-bas. Dans notre logement, on peut pas vraiment ouvrir les fenêtres, il y a des rats. Alors, ça me libère de sortir travailler. Avec le travail, quand je me lève le matin, je sais pourquoi. En plus, ça me fait avancer et ça me donne un salaire.
Se sentir capable
Ça me donne envie de chercher un nouvel appartement aussi. Mais c’est vrai, j’ai encore du mal parfois à me lever pour les rendez-vous d’accompagnement logement (rires).
Moi dans la vie, ce qui me fait avancer, c’est les gens qui m’entourent, comme à Magdala. Mes enfants aussi : ça m’aide, par exemple, quand ils me disent que je fais des conneries. En plus maintenant, je suis grand-mère.
Mon caractère aussi, il s’est endurci avec les épreuves. Alors je me dis : « Y’a pas, il faut que j’y arrive, avec tout ça, je sais que je suis capable aussi ! »
Mon espoir pour l’avenir, ce serait de m’en sortir, c’est-à-dire, laisser le mauvais de côté, mon mal être aussi, et puis avancer. Je sais qu’on ne peut pas tout avoir, mais déjà si j’avais un nouveau toit ! Ce jour-là, c’est feu d’artifice ! Et puis là, je vais mieux dans ma tête, j’aimerais dans 10 ans, aller encore mieux.
En tout cas, je voudrais dire que, dans la vie, faut de la force, faut se relever les manches et y aller ! On est là aujourd’hui, mais le lendemain, on ne sait pas !
Interview réalisée par Anne-Sophie, Marie-Louise et Yvon
*Le prénom a été modifié.
**Depuis mars 2019, suite à la fermeture des bains douches municipaux, Magdala a élargi l’offre de douche aux personnes sans-abri ou en difficulté d’accès à l’eau chaude sur les temps d’après-midi à l’Accueil de Jour. Cette nouvelle proposition nous a permis de mettre à l’emploi des personnes éloignées du monde du travail. Depuis le démarrage, 6 personnes ont retrouvé le chemin de l’emploi grâce à cette activité.
Photo libre de droit : Burst